Revue Les Affiches de Normandie

Congrégation du Sacré Cœur – Saint-Aubin-les-Elbeuf – Le Monde Fascinant de Jean-Paul FACCON

Pour le dixième anniversaire de son ouverture au public, la Crypte de la congrégation du Sacré Cœur de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, désormais transformée en salle d’exposition, accueille celui avec lequel tout avait commencé : le peintre Jean-Paul Faccon. Métaphore poétique et visionnaire du monde, l’univers de Faccon fascine par son énigmatique et troublante beauté. Nous le saluons aujourd’hui comme l’un de nos plus grands artistes. Il est temps que la Normandie lui accorde la place qu’il mérite.

Le bruit et la fureur qui dominent notre époque produisent une telle confusion que le public, parfois, passe à côté de l’essentiel, notamment en matière artistique, domaine où le faire-savoir prime désormais sur le savoir-faire, phénomène dont témoigne l’accablant spectacle du marché de l’art contemporain. En marge de l’agitation dont les médias et institutions se font les valets complaisants, il est des hommes pour qui l’art demeure une ascèse spirituelle, une voie engageant toute une vie.

Nous en voulons pour preuve la démarche de Jean-Paul Faccon, dont nous suivons les pas depuis une quarantaine d’années. Originaire de Lille, où il fit ses études, ce peintre trop discret venait de s’installer en Normandie avec Marie-Dominique, son épouse (peintre prématurément disparue), quand nous fîmes sa connaissance.

Dès notre première rencontre, je compris que j’étais en face d’un être d’exception tant son travail de peintre révélait de maturité. Parallèlement à la peinture, Jean-Paul Faccon écrivait de la poésie et faisait preuve d’une grande culture dans le domaine de l’art. Au fil des ans, son œuvre n’a fait que renforcer mes premières impressions.

Je le tiens aujourd’hui pour un artiste de premier plan. Qu’il soit à contre-courant du tapage médiatique actuel ne change rien à la question. Bien au contraire. Cela ne fait que confirmer notre aveuglement général. Retranché dans son atelier, où il passe le plus clair de son temps, Jean-Paul Faccon, qui est représenté par la galerie Furstenberg, travaille avec patience à l’accomplissement de son œuvre. Il pourrait aussi bien vivre dans un monastère, tant son art envahit les méandres de sa pensée. Rien ne paraît capable de le soustraire à sa mission qui relève d’un acte de foi. Le monde qui est sorti de sa propre imagination ressemble à une terre hâtivement désertée par ses habitants.

Vous n’y trouverez aucun guide pour vous accueillir. On y voit les vestiges intacts d’une haute civilisation, une société de constructeurs établie au cœur des montagnes. À part quelques arbres et l’abondant ruissellement des eaux, rien n’y évoque la vie courante. Le minéral triomphe, impassible, indomptable. Forteresses et palais semblent sous le coup d’un enchantement, comme le château de la Belle au Bois-Dormant, cette métaphore de l’âme humaine ensommeillée, aseptisée (comme nous le sommes tous) par un singulier sortilège.

Sur le plan chromatique, la palette de Faccon est l’ennemie de l’outrance, elle privilégie les ocres, les gris ambrés, les tons de terre, parcourus par des eaux aux délicates nuances de perle. De savantes architectures se dressent, altières, magnifiant le génie humain qu’illumine une quête spirituelle, celle-là même qui nous fait défaut pour accoucher d’un monde humain. De passerelles en arcades, de tours en chemins de ronde, le regard se laisse entraîner, comme s’il entrait en résonance avec ces cités désertées. Dix ans après sa première prestation dans la crypte, Jean-Paul Faccon nous offre un véritable moment de grâce. L’une des plus belles démonstrations de talent dont nous ayons été témoin.

Vu à la Crypte de la Congrégation du Sacré Cœur, 130 rue de Freneuse, 76410 Saint-Aubin-lès-Elbeuf.
Luis Porquet